Le Livre Blanc

d'après Jean Cocteau

 Autobiographie sentimentale et érotique, écrite comme la confession
d'un pêcheur non repenti qui raconte les souvenirs de sa jeunesse.

  Adulte   Troupe   Durée : 2 h avec entracte   Créé en novembre 2002   Déconseillé -16 ans

  • «Un moment troublant, agréable et puissant.»
    Machala75 sur BilletReduc

     
  • «Une puissance érotique et sensuelle indéniables»
    JeanMarc3 sur BilletReduc

     
  • «Je ne suis qu'éloge et admiration pour ce spectacle.»
    Michael sur BilletReduc

     
  • «Du théâtre vrai. Félicitations.»
    Didier sur BilletReduc

     
  • «Spectacle époustouflant, un théâtre sublime, bravo.» 
    Sentou sur BilletReduc



L'équipe

  • Adaptation et mise en scène : Hazem El Awadly
  • Scénographie : Jean-Marie Eichert
  • Costumes : Hazem El Awadly, France Paulignan
  • Régie lumière : Rémy Dorget
  • Musique : Hazem El Awadly, Hocine Hadjali
  • Avec : La troupe du Théâtre Nout

À propos

Créé en 1927 et publié pour la première fois en 1928, en 31 exemplaires, il ne fut jamais signé par Jean Cocteau, qui accepta tout de même d’illustrer la deuxième édition par des dessins érotiques.

Plusieurs fois rééditée et traduite en anglais, mais toujours en tirage limité, cette œuvre eut une longue carrière semi-clandestine.

Histoire emblématique et typique d’une personne vivant son homosexualité entre les règles, les tabous d’une société qui condamne et le rêve d’une société « grecque » libérée. Clé importante pour la compréhension de l’œuvre de Cocteau, où on retrouve des éléments de sa biographie − le suicide de son père, le lycée Condorcet, sa rencontre avec des marins, l’univers de drogue − et surtout où l’on retrouve les figures, thèmes et obsessions de sa mythologie personnelle − les bohémiens, le copain Dargelos, le couple frère-sœur, la figure du double , la solitude, le binôme amour-mort...

Voyeurisme, exhibitionnisme, amour mercenaire, bisexualité : Le livre blanc est l’expression poétique d’une sensibilité que l’on retrouvera de plus en plus dans la littérature et le cinéma, à partir de l’après-guerre..

Petit chef d’œuvre d’une étonnante modernité, trop longtemps resté dans l’ombre.

Intentions

Une des pages du Livre blanc décrit la rencontre du narrateur avec un marin qui porte le tatouage « Pas de Chance ». Dans cette adaptation « Pas de Chance » devient narrateur : il raconte son histoire, des hommes l’écoutent. Ainsi, le théâtre se donne sous sa forme primitive, celle d’un conte.

Au cours de la narration, les personnages dont il parle prennent vie et voix : la bonne de son enfance, la mère, les copains d’écoles, un abbé confident, les femmes cherchées et trahies, les amants abandonnés et pleurés. Réunis ensemble sur la scène de la mémoire, ils revivent leur propre histoire à travers celle du marin.

Ces visions du passé se transforment tour à tour en symboles de la morale, en figures du désir et en ombres de l’inconscient.

Narcissisme, amour, sexualité, vie et mort : comment restituer sur scène la richesse du Livre blanc ?

Afin de raconter cette histoire, nous avons choisi un décor, des costumes et une ambiance intemporelle. La machine théâtrale est réduite au minimum. Le comédien habite par la parole et le mouvement l’espace vide qui l’entoure. L’attention du spectateur ne doit être attiré que par le texte, inscrit dans un jeu frontal qui se veut proche d’un style « baroque ».

Le plateau nu suggère d’avantage l’ambiance d’un hammam, lieu où les différentes classes sociales se mêlent, où de simples rencontres peuvent devenir intimes. Évoluant dans les bains, les personnages se livrent corps et âme, sans pudeur, entraînant avec eux le spectateur dans un univers de voyeurisme. Dans la moiteur du hammam faite de vapeur, de lumières tamisées et de sons orientaux, apparaît tout à coup, un château, une classe, un trottoir, une église : le public est transporté dans un monde où se confondent les frontières entre le réel et l’imaginaire, le passé et le présent.

En 1927, à la fin de son livre, Cocteau écrivait :

« C’est égal, je partirai et je laisserai ce livre. Si on le trouve, qu’on l’édite. Peut-être aidera-t-il à comprendre qu’en m’exilant, je n’exile pas un monstre, mais un homme auquel la société ne permet pas de vivre puisqu’elle considère comme une erreur un des mystérieux rouage du chef-d’œuvre divin. »

Nous lisons régulièrement dans la presse orientale que des homosexuels ou présumés tels sont déférés devant la justice. Les paroles de Cocteau nous apparaissent comme le reflet terrible de l’actualité.

Avis de la presse

  • Pas si simple de mettre en scène Le livre blanc, pamphlet clandestin de Cocteau sur son homosexualité. Hazem El Awadly aura été le premier à oser l'adaptation scénique de cette œuvre en France, il y a 2 ans, à Paris. Il nous offre cette année l'occasion de le découvrir pour la première fois à Avignon.

    La version proposée par Hazem tout en restant fidèle au texte, se permet quelques trouvailles scéniques astucieuses, évitant certaines lenteurs, délicieuses à la lecture mais fastidieuses sur les planches. Le moins que l'on puisse dire c'est qu'Hazem ne fait pas dans la dentelle. Ses comédiens évoluent dans le simple appareil d'un bout à l'autre de la pièce, retranscrivant plutôt bien l'ambiance chargée, portée en permanence par le désir fou de l'auteur, ses contradictions et son mal-être dans une société qui refuse sa différence.

    Provocante, certes, mais ne tombant jamais dans le vulgaire ou le facile cette adaptation séduit ou repousse, mais ne laisse pas de marbre.

    Serge Casas, dans Vaucluse hebdo, le 23 juillet 2004

     
  • « Au plus loin que je remonte et même à l’âge où l’esprit n’influence pas encore les sens, je trouve des traces de mon amour des garçons. J’ai toujours aimé le sexe fort que je trouve légitime d’appeler le beau sexe. Mes malheurs sont venus d’une société qui condamne le rare comme un crime et nous oblige à réformer nos penchants. », écrit Jean Cocteau en 1928, à une époque où l’inversion était encore considérée comme une maladie mentale, et l’homosexualité comme un crime (la France ne l’a dépénalisée qu’en 1982, sur proposition du ministre de la Justice, Robert Badinter ; aujourd’hui, plus de quatre-vingts États la criminalisent, et elle est passible de mort dans huit pays). Mettre en scène ce texte relève donc autant d’un geste poétique que d’une posture politique, ce qui fait dire au Théâtre Nout, qui s’en empare alors qu’en France, les sarcasmes et les brimades, voire les agressions, menacent encore les homosexuels : « Notre travail sur cette œuvre est essentiel à nos yeux. Il représente notre engagement et notre solidarité pour la liberté et l’égalité de tous, qui n’est malheureusement pas encore acquise jusqu’à aujourd’hui dans notre société. » 

    Écrite « comme la confession d’un pêcheur non repenti qui raconte les souvenirs de sa jeunesse », cette histoire est celle d’un engagement existentiel vécu entre les tabous sociaux et moraux et le rêve d’une fraternité libre et tolérante. Hazem El Awadly a choisi de mettre en scène ce « petit chef-d’œuvre d’une étonnante modernité, trop longtemps resté dans l’ombre » en faisant le choix d’un décor, de costumes et d’une ambiance intemporels. Sur un plateau nu suggérant l’ambiance d’un hammam où se mêlent les corps, les âges et les classes, « les personnages se livrent corps et âme, sans pudeur, entraînant avec eux le spectateur dans un univers de voyeurisme. Dans la moiteur du hammam faite de vapeur, de lumières tamisées et de sons orientaux, apparaît tout à coup, un château, une classe, un trottoir, une église : le public est transporté dans un monde où se confondent les frontières entre le réel et l’imaginaire, le passé et le présent. »

    Catherine Robert, dans La Terrasse de juin 2012

     
  • Hazem El Awadly, en adaptant à la scène cette partie de cache-cache, a voulu rendre le baroque d’un texte poussé jusqu’à l’exubérance, voire l’hystérie. Quant aux illustrations, elles nous claquent au visage avec leurs personnages en chair et en os, tout d’une pièce, fragiles et provocateurs. À l’étage du théâtre, un café oriental, océan de pouffes et de narguilés, au milieu duquel tranchent des personnages : garçons filiformes maquillés de blanc, femmes felliniennes, abbé à la soutane maculée de bougie, drag-queen grimaçante. En somme, la Roulotte de Cocteau revue par un Égyptien d’Alexandrie, ex-acteur de L’Épée de bois, metteur en scène et chef de troupe.

    Hazem El Awadly n’a fait que montrer la partie visible de l’iceberg, il nous propose maintenant d’y entrer. Le passage est constellé de miroirs dans lesquels se mirent des flambeaux. Et nous arrivons dans un hammam façon-ryad, avec ses mosaïques bleues, blanches, vertes et sa fontaine au centre. Le public s’étage sur des gradins couleur de sang. Car, dans la brume du bain de vapeur, la pénombre et sous le couvert des caresses et des baisers furtifs, le texte est sanglant. C’est celui de l’homosexuel réduit au silence : « Mes malheurs sont venus d’une société qui condamne le rare comme un crime. »

    Édouard Pagant crache son désespoir. Ses mots sont des maux, que l’exigence du corps – la nudité – rend plus pathétiques. On ne se lasse pas de voir cet homme jeune aux cuisses puissantes, au ventre plat, à la carrure post-adolescente. Il épuise sa jeunesse sous nos yeux et se laisse emporter par un baroque aux couleurs saturées. On serait tenté de dire qu’il y a exagération et que tous ces gens qui s’agitent autour de lui et qui grillent leur désir, tels des papillons autour d’une lampe, sur-jouent. Mais c’est la volonté du metteur en scène qui se lâche, quand il transforme les femmes en monstres dignes de Pascin, peintre bulgare des années 1925 à Montparnasse. Jefferson Eleutério est parfait en cet emploi. Ce sexe débridé courtise parfois la mort. Pascin le premier, choisira le suicide comme beaucoup d’amis de Cocteau. Lui, se réfugiera un temps dans la dévotion. Et ce sera l’occasion de nous entraîner dans l’antre d’un couvent.

    Mais les trois femmes vêtues de noir qui y tourbillonnent feraient plutôt penser aux Parques, habilitées à rompre le destin de chacun. Belle prestation ! Mathieu Guillou offre son corps torturé aux étreintes d’Édouard Pagant, tour à tour jardinier initiateur, marin de Toulon, amant de passage. En fin de parcours, d’hommes de désir, marionnettes du petit théâtre libidineux, ils deviennent hommes engagés, libres et responsables. Ainsi défendent-ils d’autres hommes qui, aujourd’hui encore, de par le monde, sont condamnés. De quoi les accuse-t-on ? D’aimer ceux qu’on n’a pas le droit d’aimer.

    Pierre Bréant, sur artistikrezo.com, le 7 juin 2010

     
  • Ernesto, what's your favourite theatre show ever (excluding your own) and why?

    I keep very fond memories of a show called "Le Livre Blanc", based on a book by Jean Cocteau, that I saw in the outskirts of Paris a few years ago. I was taken there by a Parisian man I had met on the internet. I am not sure I would have found my way on my own. The show took place in a small Egyptian café theatre (Théâtre Nout).

    As you walked in the venue, you felt you were transported to the North of Africa or the Middle East, surrounded by brass, fancy lamps and oriental carpets. After drinking a cup of mint tea at the spacious dining area, one was introduced to the steamy performance space, decorated and lit to resemble a Hamman, a Turkish bath. Guided by semi-naked male staff wearing only a towel, one was led to sit in the steam. The play told the tragic love story between Cocteau and a male lover. French is not my first language and I missed most of the dialogue. But the performance was very strong visually and it felt very dramatic. The beautiful men playing the lovers were supported by a very well coordinated ensemble cast. Very atmospheric. I remember the actors commented at the end of the show that they were working on a Spanish version of the play to tour it in Spain. I wondered why they were not considering an English translation. That production would fit very well in the Edinburgh Fringe.

    Ernesto Sarezale, sur ontheflesh.blogspot.fr, le 1 août 2010

     
  • Jean Cocteau serait certainement heureux de voir jouer son œuvre la plus intime dans l’esprit égyptien. On sait le poète hanté par sa mythologie : la roulotte, la Grèce antique, l’homosexualité et quand on arrive au théâtre Nout, on entre dans cette roulotte-là mais une roulotte égyptienne où les comédiens jouent même leur propre rôle tout en servant les spectateurs venus une heure auparavant pour goûter dans le restaurant du théâtre les spécialités de ce pays.

    Le tableau se poursuit alors que la pièce commence. On s’introduit soudain dans un couloir humide et moite comme dans un hammam où de jeunes hommes de part et d’autres nous accueillent dévêtus. La salle s’offre à nous pavoisée d’azulejos et de faïence bleue et blanche.

    La vie du poète ainsi, dans ce lieu embué, appelant à la sensualité, au repos et à la nudité va nous être brossée par de jeunes comédiens beaux et gracieux comme les aimait Jean Cocteau.

    Trente et un exemplaires du Livre blanc sortent en 1928 sans nom d’auteur. Cocteau ne signera jamais cette œuvre, acceptant toutefois ce qui est en quelque sorte une reconnaissance de paternité d’illustrer la deuxième édition par des dessins érotiques.

    Un pêcheur repenti se confesse de ses sentiments dans un admirable érotisme, balayant les images de sa vie tiraillée entre son homosexualité et les interdits d’une société qui punit par la loi ce qu’elle nomme encore à cette époque un délit.

    Cette œuvre autobiographique est aussi une rétrospective de tous les événements importants dans la vie de Jean Cocteau : le lycée Condorcet, la mort de son père, le copain fantasmé Dargelos, l’amour des marins, les paradis artificiels, les romanichels, la solitude, la religion, l’amour et la mort ou les deux conjuguées, la fusions des polarités de genre dans l’union frère sœur mêlant le masculin au féminin, le confondant volontairement dans l’ambiguïté pour qu’ils soient un.

    Œuvre d’avant-garde sur l’impudeur, Le livre blanc sera l’amorce à tout ce qu’on connaîtra de plus libertaire après guerre tant dans le domaine du cinéma que dans toutes les formes d’art, impressions créatrices devenues exutoire comme expression de l’intime.

    Faut-il que la nudité de forme soit l’outil nécessaire à accoucher le fond d’un être, sa nudité intérieure ? Hazem El Awadly a choisi d’exposer ainsi le narrateur sous nos yeux, déshabillé, dénudant le fil de sa vie. À chacune des étapes cruciales, les personnages de son histoire se mettent en scène. Défileront ainsi dramatiques ou comiques, figures fantomatiques, icônes ressuscitées à la lumière du jour ou exhalant le buis, la mère, Maurice Sachs figurant un clergé dépravé, la bonne de ses premières années, les amours insatisfaites et leurs protagonistes nus et excités accomplissant leur copulations devant nous.

    Clichés jaunis sortis de l’album d’une vie, les personnages de cette galerie d’images s’incarnent devant nous comme par magie traçant les uns à la suite des autres une farandole de désirs, de censures morales, d’inconscience obscurcie.

    La scénographie d’Hazem El Awadly transporte Le livre blanc dans le pays de sa naissance : l’Égypte, le hammam et l’exhibition sont les éléments d’une mixité sociale égale devant le désir sexuel comme devant les dogmes du vivant dans une promiscuité qui fond le publique à l’œuvre dans l’impudeur, le voyeurisme à peine éclairé, entravé par un rideau naturel de vapeur que froisse de ses flots chromatiques une musique de fond orientale, cithare grattée de manière inquiétante ou chant choral vociférant un refrain tribal.

    Ce tissage d’éléments impalpables laissera toutefois apparaître du factuel comme un château, une communauté religieuse, une cour d’école et ses garnements aux jeux cruels, un travesti exubérant à la physionomie horrifiée.

    Du rêve à l’imaginaire, les limites sont infimes mais cette union souhaitée par le metteur en scène de ces antagonismes est un hommage supplémentaire à l’invisibilité poétique chantée par Cocteau dans l’ensemble de son œuvre.

    « C’est égal, je partirai et je laisserai ce livre. Si on le trouve, qu’on l’édite. Peut-être aidera-t-il à comprendre qu’en m’exilant, je n’exile pas un monstre, mais un homme auquel la société ne permet pas de vivre puisqu’elle considère comme une erreur un des mystérieux rouages du chef-d’œuvre divin. »

    Ces mots, point d’orgue à ce secret littéraire, témoignent du mal être et du mal vivre auquel étaient soumis à l’heure de la publication, ce que le code civil ose encore nommer aujourd’hui, des citoyens de seconde zone.

    Si la dépénalisation de l’homosexualité est un des miracles de la politique française, il n’en est pas de même en toutes terres. Ce voyage théâtral de Cocteau en Égypte ouvre à la connaissance d’un pays qu’il aimait beaucoup, autant qu’à une actualité plus triste dont la pièce se veut le chantre dénonciateur.

    Yves-Alexandre Julien, sur theatrotheque.com, le 10 juin 2010